Au contraire, le jeune qui a fait un peu de prison devient vite une célébrité locale, crainte et respectée : En effet, on oublie souvent qu'ils ne cessent d'inciter leurs semblables à se rebeller aussi d'une toute autre manière, en sauvant leur dignité : Dès leur premier album, en 1991, les jeunes rappeurs de Suprême NTM disent clairement les raisons de leur violence. Procès pour diffamation, règlement de comptes verbaux, les exemples ne manquent pas, de NTM au récent 80% des prisonniers sont ouvriers, chômeurs ou sans logis " " Les voleurs de voitures ne sont pas les plus grosses pourritures "On comprend dès lors comment les éléments s'articulent pour former, dans les représentations des rappeurs, un système logique : l'ordre social injuste et raciste est entretenu par les hommes politiques et protégé par la police et la justice. Desclée De Brouwer, 2012 Il évoque aussi l'homme Noir passé à tabac en pleine rue par plusieurs policiers dont l'acquittement fut à l'origine du déclenchement des émeutes de Los Angelès en 1992 : Le même groupe dénonce alors logiquement une justice inique qui charge les jeunes auteurs de violences, censure les groupes de Rap (c'est l'" affaire NTM "), mais remet les auteurs de bavures policières en liberté et ne sanctionne guère la corruption des hommes politiques. Fondée sur des réalités objectives (la pauvreté des familles, la dureté et la violence de la vie quotidienne, les faibles chances de promotion sociale, la ségrégation spatiale de la cité par rapport au centre, le racisme d'une large partie de la population française, la pression humiliante des contrôles de police, les sanctions judiciaires parfois disproportionnées, au regard notamment du traitement des " bavures " policières), cette vision du monde est aussi et peut-être surtout ordonnée par un sentiment d'injustice tellement fort qu'il tend souvent à nourrir un imaginaire du complot. [...] De toute une jeunesse, vous avez brûlé les ailes / Brisé les rêves, tari la sève de l'espérance. Quel est son Tout d'abord, les cibles de cette violence présentent une certain spécificité. Deux trentenaires, le Lillois Impossible de recenser tous les rappeurs dits engagés. Crédits : L'attention se concentre surtout sur les adolescents des quartiers réputés difficiles où l'on constaterait une délinquance et une violence de plus en plus systématiques de la part d'individus ou de bandes de plus en plus précoces. « This is America » ou quand le rap dénonce les faces sombres de la société contemporaine Le 5 mai 2018, l’acteur, producteur et rappeur noir américain Donald Glover alias Childish Gambino diffusait son clip « This is America » (« C’est ça l’Amérique »). " (1995) exprime le premier sentiment:" Les années passent, pourtant tout est toujours à sa place Combien de temps tout ceci va encore durer / [...] Mais vous savez que ça va finir mal, tout ça / La guerre des mondes vous l'avez voulue, la voilà. / Oh, quand j'y pense / Il est temps qu'on y pense, il est temps que la France / Daigne prendre conscience de toutes ces offenses / Fasse de ces hontes des leçons à bon compte / Mais quand bien même, la coupe est pleine / L'histoire enseigne, nos chances sont vaines ".Derrière la violence se cache en réalité le désespoir qu'illustre dramatiquement la chanson intitulée " J'appuie sur la gâchette " (1993). On sait que ces propos ont valu à ces deux groupes des démêlés judiciaires. Il indique aussi l'échec prévisible de toute politique publique qui ne saura pas restaurer avec ces jeunes le dialogue et la confiance. Ils en proposent au contraire une vision d'ensemble d'où se dégage une révolte contre des sociétés injustes, racistes et corrompues par l'argent. Un rap parfois jugé trop commercial par les puristes qui préfèrent les textes engagés de Keny Arkana ou La Rumeur.
A côté d’un style festif se développe un genre plus engagé qui dénonce de façon poétique ou virulente les inégalités sociales. A côté d'un tel système, les politiques de la ville font pâle figure, quand elles ne sont pas considérées comme des cautions au maintien de cette logique : De plus que peut-elle faire, frères / On ne peut pas faire du social / Et faire des affaires / Les murs de la cité sont repeints / Histoire de faire bien.